Filières REP françaises : le diagnostic et les recommandations de la mission d’inspection

La mission d'inspection sur les “Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur” a publié ses conclusions, en juillet 2024 dans le contexte bien particulier d’un gouvernement démissionnaire.

Commandité par la Première Ministre en janvier, la préparation du rapport avait donné lieu à de nombreuses auditions des différentes parties prenantes des filières. Les ONGs, dont l’Observatoire du principe pollueur-payeur avaient été entendues en mars et avaient par la suite transmis une contribution écrite aux inspecteurs.

Le rapport de la mission d’inspection comprend une série de constats et d'analyses sur le fonctionnement actuel des REP, dont voici quelques morceaux choisis :
✏ A propos de la gouvernance des filières : "La gouvernance des éco-organismes par les metteurs sur le marché leur permet de privilégier le niveau des éco-contributions plutôt que l’atteinte des objectifs" ; "Il convient de prendre acte de l’incompatibilité entre la gouvernance des éco-organismes et la poursuite d'objectifs de réemploi, réutilisation et réparation"
✏ En matière de données et de transparence : "le gisement de déchets ne fait pas systématiquement l'objet d'une évaluation fiable" ; "le pilotage ne s'appuie sur aucune donnée économique ou financière"
✏ Concernant le pilotage des filières : "Les indicateurs prévus par les cahiers des charges ne permettent pas d’évaluer finement la performance environnementale et sont susceptibles de désinciter à l’amélioration de la prévention et de la gestion des déchets"
✏ Enfin, sur le plan des finances : "On ne constate pas d'effet de transfert du contribuable au consommateur" (autrement dit : malgré l'augmentation des écocontributions, le coût de la gestion des déchets à la charge des collectivités locales ne diminue pas)

Les inspecteurs formulent plusieurs recommandations pour remédier aux problèmes relevés :

  • Créer une instance de régulation indépendante dotée d'un accès accru aux données des éco-organismes et de pouvoirs de sanctions ; la proposition n’est pas nouvelle, mais la mission suggère un effectif renforcé (avec un nombre total d'ETP doublé par rapport à la situation actuelle DGPR+Ademe) ;

  • Retirer la gestion des fonds réparation et réemploi aux éco-organismes pour les confier à l'ADEME - la mission d'inspection reconnaît la contradiction inéluctable entre objectifs de croissance des producteurs et les objectifs de réemploi (qui doivent se traduire par des baisses de mise en marché...) : il s’agit sans doute de la proposition la plus polémique, les éco-organismes ayant déjà manifesté leur opposition à cette orientation ;

  • Délivrer des agréments aux éco-organismes sans limite temporelle, mais avec un contrôle de la performance "plus étroit et régulier" ;

  • Différencier le niveau de soutien financier aux collectivités territoriales (en fonction des disparités géographiques de coûts) ; la mission ne précise toutefois pas les modalités de cette différentiation, qui seront certainement déterminantes du point de vue des collectivités ;

  • S'appuyer davantage sur le levier réglementaire pour inciter à l'économie circulaire : cette proposition indique, en creux, que la mission reconnait que les écomodulations ne sont et ne peuvent pas être suffisamment incitatives ;

  • Dans l’attente d’une amélioration des performances et de la gouvernance, la mission recommande de ne pas créer de nouvelles filières (sauf obligation européenne).

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