L’Etat du Vermont instaure une taxe pollueur-payeur rétroactive pour financer l’adaptation au changement climatique
Inondations exceptionnelles en juillet 2023 dans l’Etat du Vermont - Photo : National Guards
Aux États-Unis, l'État du Vermont vient d’adopter une loi inédite visant à instaurer une taxe de réparation des dommages climatiques causés par les émissions de l’industrie pétrolière. Seront visées les entreprises ayant émis plus de 1 milliard de tonnes de CO2 au travers d’activités d’extraction ou de raffinage entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2024.
Le « Climate Superfund » (baptisé ainsi car inspiré d’un dispositif existant au niveau fédéral depuis 1980, le Superfund dédié aux opérations de nettoyage de sites pollués) doit permettre de financer une panoplie d’actions de réparation ou d’adaptation aux changements climatiques. La loi prévoit une période de deux années (jusqu’au 1er janvier 2027) durant lesquelles un processus d’évaluation des émissions et des dommages sera mené sous l’égide du trésorier de l’État. Selon l’une des principales associations environnementales de l’État, le montant nécessaire au « Climate Superfund » s’élèverait à environ 2,5 milliards de dollars.
L'État du Vermont pourra ensuite, dès 2027, requérir le paiement de cette taxe exceptionnelle auprès des entreprises responsables.
David contre Goliath
L'État du Vermont a été durement touché par des inondations exceptionnelles durant l’été 2023, ce qui explique certainement le large soutien, transpartisan et citoyen, dont a bénéficié le projet de loi. Le lobby pétrolier (par l’intermédiaire de l’API - American Petroleum Institute) s’est toutefois fermement opposé au texte, considérant notamment qu’il n’était pas légitime de faire peser sur les producteurs le coût des dommages liés aux émissions résultant des consommations de carburants, a fortiori de manière rétroactive. L’API s’alarme également du montant « inconnu mais potentiellement extrême » de la taxe envisagée.
Autant de points qui constitueront sans doute les différents angles d’attaque juridique de l’industrie contre cette loi. Le gouverneur de l’Etat du Vermont s’est quant à lui abstenu de signer comme de s’opposer (par un veto) au texte, reconnaissant sa légitimité mais estimant le risque important, pour un petit État comme le Vermont, de s’attaquer ainsi à la « Big Oil ». Comme le soulignait en effet un sénateur républicain en amont de l’adoption du texte, le chiffre d’affaires global du géant ExxonMobil s’élève à lui seul à 344,6 milliards de dollars, quand le budget de l’Etat du Vermont est seulement de 8,5 milliards.
Une initiative pionnière à fort enjeu
C’est toutefois en connaissance de cause que les sénateurs semblent avoir adopté très largement le texte. L’initiative est une première, mais elle n’est pas isolée : quatre autres Etats étudient ou ont étudié la possibilité d’instaurer un Climate Superfund (New York, Maryland, Californie, Massachusetts) et le sénateur Bernie Sanders avait aussi en 2022 porté cette proposition à l’échelle fédérale - sans succès. A l’échelle internationale, une centaine d’ONGs demandent l’instauration d’un dispositif proche (cible et objectifs de financement identiques, mais non rétroactif, et permanent) pour financer le Loss and Damage Fund issu de la COP28 de Dubaï. Le processus engagé par l’État du Vermont sera donc très attentivement suivi dans l’ensemble du pays, et au-delà des frontières.
Par ailleurs, le fait que les législateurs aient décidé de se saisir du problème malgré le risque de contentieux est probablement lié à la difficulté rencontrée par l’État du Vermont - et d’autres - à obtenir des réparations en justice, auprès de ces mêmes entreprises. Face aux besoins immenses de financement d’une part et aux profits affichés par le secteur pétrolier d’autre part, les élus semblent avoir choisi de se saisir de tous les leviers possibles pour faire contribuer l’industrie aux coûts induits par les changements climatiques.